Mar Adentro

 

Un film de Alejandro Amenabar

 

Avec Javier Bardem, Belén Rueda,  Lora Duenas, Mabel Rivera, Celso Bugalo, Clara Segura, Joan Dalmau, Alberto Jimenez, Tamar Novas, Francesc Garrido

 

 

Ramon Sampedro a existé. Sa vie se raconte enfin, comme pour prolonger son combat, celui de mourir dignement, son souvenir, celui d’un homme qui a lutté contre l’Etat, la morale et la religion. Le combat d’une vie pour la mort, pour sa dignité.

 

Ramon Sampedro est resté plus de 28 ans, enfermé dans son corps, tétraplégique à la suite d’un accident, un plongeon manqué.

 

Alejandro Amenabar, déjà brillant réalisateur d’Ouvres les Yeux et The Others, prouve ici qu’il maîtrise la mise en scène avec brio. Associé à Mateo Gil, déjà collaborateur sur Ouvres les Yeux et The Others de Amenabar, ils signent à quatre mains le scénario qui se devait d’être impeccable, pour ne pas salir la mémoire de Ramon Sampedro, pour lui faire honneur sans pour autant glorifier ni condamner l’euthanasie.

 

Il est rare de voir une œuvre qui vous arrache autant le sourire et les larmes juste à travers le regard d’un homme cloué à son lit, prisonnier de son propre corps. Car sans pathos qui aurait appesantit l’œuvre, Amenabar a su jouer avec délicatesse des silences, des non-dits, des regards qui en disent plus longs que bien des mots.

 

Car Ramon Sampedro respire la vie, l’a vécue à travers le monde, l’a risquée et l’a brisée sur la mer qu’il aime tant. Autour de lui, la vie a continué, celle de son frère, de sa fiancée, de son père. Et au moment où il décide de mener l’affaire devant les tribunaux, en sachant que sa voix serait entendue mais pas écoutée, il sait aussi que c’est à ce moment qu’il décidera de mourir. Autour de lui, des femmes, aimantes ou fascinées, supportrices de son combat, son frère, opposé à ce départ volontaire, son neveu, complice et gardien de son souvenir.

 

Amenabar montre le talent qu’on lui connaissait, et qui ne demandait qu’à s’exprimer dans cette œuvre majeure déjà de sa filmographie, pas comme les films « de genre » qu’étaient The Others et Ouvres les Yeux. Amenabar aborde ce sujet grave avec une maturité fascinante, un véritable tour de force.  

 

Il a su choisir des comédiens justes, qui n’en rajoutent pas dans leur jeu, qui ont su exprimer avec force la vie qu’ils menaient autour de Ramon, leur propre combat face à leurs doutes, leurs croyances, leur peur aussi face à la justice.

 

Tout d’abord, le rôle principal évidemment. Javier Bardem. Plus qu’un comédien, une évidence. Malgré le challenge qu’il devait relever, avec cette différence d’âge, le physique à modeler, les transformations à endurer, Bardem a magnifié le rôle en redonnant vie à Ramon Sampedro. Ceux qui ont vu les reportages, les vidéos où apparaissait Ramon Sampedro, ne peuvent être qu’épatés par la performance de Bardem, qui est devenu Sampedro.

 

Au-delà des transformations physiques, Bardem devait s’immiscer dans la peau de cet homme, comprendre pourquoi il voulait mourir alors qu’il était entouré, comprendre pourquoi il voulait mourir alors que tant de gens l’aimaient et voulaient partager avec lui.

Bardem a disparu derrière le maquillage impeccable de Jo Allen et de quelle manière. Son jeu est entièrement passé à travers son regard et sa voix, ses paroles. Et son regard exprime tellement qu’il nous touche au plus profond, nous tirant les larmes, mais aussi le sourire.

Une performance déjà récompensée par la coupe Volpi du meilleur acteur au festival de Venise, un Goya du meilleur acteur et d’autres récompenses internationales. Sans aucun doute un rôle majeur pour ce comédien merveilleux, qui restera marqué de ce rôle, de cet hommage à Ramon Sampedro.

 

Autour de lui, des seconds rôles choisis avec talent, Belén Rueda, Lora Duenas, Mabel Rivera, Celso Bugalo, qui entourent Bardem, Sampedro, avec émotion.

 

Un film qui ne vous laissera pas indifférent, qui vous fera pleurer mais vous fera sourire aussi.

 

Une ode à la vie et à sa beauté, à la mort et son côté implacable..

 

Arnaud Meunier

06/02/2005